- PÉKIN
- PÉKINLa découverte d’Homo pekinensis atteste la très haute antiquité de Pékin comme habitat humain. Dès le Ve siècle avant notre ère, à l’époque des «Royaumes combattants», une de ces principautés y avait établi sa capitale, la ville de Ji, dont l’importance stratégique s’accrut avec la construction de la Grande Muraille toute proche, au IIIe siècle après Jésus-Christ.Plusieurs fois détruite, remaniée, reconstruite au cours des siècles, du Moyen Âge chinois, la ville qui devait devenir Pékin changea également plusieurs fois de nom: Yanjing au VIIIe siècle, Zhongdu au XIIe siècle, Dadu au XIIIe siècle. À trois reprises, elle fut la capitale de principautés dissidentes établies sur les confins de l’Empire par les «barbares» du Nord-Ouest: les Khitan au Xe siècle, les Djürchet au XIIe siècle et surtout les Mongols au XIIIe siècle. Le nom de Dadu, «grande capitale», fut en effet choisi par le conquérant mongol Khubilai, petit-fils de Gengis-khan, quand il fonda en Chine une nouvelle dynastie, celle des Yuan. Dadu, c’est aussi la Cambaluc (Khanbaliq) de Marco Polo, qui en a laissé une description enthousiaste: «Sachez que la cité de Cambaluc a si grande multitude de maisons et de gens dedans la ville et dehors, que ce semble être impossible chose [...] et je vous dis qu’en cette cité il vient plus de choses de grande valeur et étrangères, que dans aucune autre cité qui soit au monde, et plus grande quantité de toutes choses.»La dynastie nationale des Ming, qui avait chassé les Mongols au XIVe siècle à la faveur d’une révolte populaire, établit symboliquement sa capitale à Nankin (Nanjing), la vieille «capitale du Sud». Mais, dès le début du XVe siècle, les Ming ramenaient à Pékin leur capitale, pour des motifs essentiellement stratégiques: assurer la défense de l’Empire contre les peuples du Nord et du Nord-Ouest. Ce fut pourtant un de ces peuples, les Mandchous, qui s’empara en 1648 de la ville et fonda une nouvelle dynastie barbare, celle des Qing. S’ils maintinrent leur capitale à Pékin, c’est que des mobiles dynastiques s’ajoutaient aux mobiles militaires: à savoir la proximité de la Mandchourie, patrie de la maison impériale.Pékin resta donc capitale de la Chine d’une façon presque continue, sous les trois dernières dynasties impériales, du XIIIe au XXe siècle. Cette localisation accusait le divorce grandissant entre la structure politico-militaire de l’Empire et son dynamisme économique. C’était en effet dans le Sud, aux bouches du Yangzi, autour de Canton, que se trouvaient les régions de l’Empire les plus vivantes du point de vue de l’activité agricole, du commerce, du développement urbain et même de la production manufacturière «protocapitaliste». Ce divorce était symbolisé par l’existence du «canal impérial», dont la fonction était d’acheminer vers la capitale le riz des riches régions du Sud-Est, afin de nourrir courtisans, soldats et fonctionnaires. Cette distorsion géopolitique entre la localisation de la capitale impériale et le caractère historiquement plus avancé des provinces du Sud permet de comprendre l’échec de grands mouvements «sudistes», comme les Taiping, ou la révolution républicaine de 1911.Pékin, Beijing, («capitale du Nord») est, depuis 1949, la capitale de la république populaire de Chine; municipalité administrativement autonome, elle comptait en 1971 plus de 8 millions d’habitants. Métropole politique et culturelle, Pékin joue un rôle croissant non seulement sur le plan national, mais sur la scène internationale, en tant que lieu de rencontres mondiales. D’autre part, depuis 1949, la ville s’est transformée en un centre économique important, caractérisé par une grande variété d’industries légères, une industrie sidérurgique récente, une banlieue agricole en plein essor et une activité commerciale favorisée par le carrefour des voies de communication qu’elle constitue.1. Des Mongols à la République populaireLa capitale de l’Empire de ChinePékin, capitale impériale, n’avait aucune fonction économique productive, à part l’artisanat de luxe destiné aux courtisans et aux fonctionnaires; elle n’était qu’un gigantesque consommateur. Sa fonction urbaine (c’était le cas d’ailleurs de beaucoup d’autres villes de la Chine classique) est essentiellement alors de nature politique et culturelle.Résidence de l’empereur, de la famille impériale, de la cour, Pékin est en même temps le siège de la bureaucratie d’État: elle abrite les six ministres et leurs nombreux fonctionnaires, les greniers impériaux, les garnisons. Pékin, à l’époque moderne, a compté pour les Occidentaux en tant que capitale de l’Empire. C’est pour être plus près de l’empereur et pouvoir éventuellement l’influencer que les Jésuites viennent s’installer à Pékin dès la fin de la dynastie des Ming, au début du XVIIe siècle; pendant deux ans, ils se succéderont à la cour comme astronomes, cartographes, mathématiciens, artilleurs de l’empereur. Dans un contexte très différent, c’est parce que Pékin est le centre nerveux de la machine impériale que les troupes franco-anglaises attaquent, pillent et occupent la ville en 1860 (incendie du célèbre palais d’Été, cette «cathédrale de l’Asie», selon Victor Hugo); les Occidentaux voulaient contraindre le gouvernement impérial à accepter directement leurs conditions, en particulier la présence permanente de missions diplomatiques étrangères dans la capitale.La fonction politique va de pair avec celle de centre de la culture chinoise, dans la mesure même où celle-ci est un élément important de la cohésion de l’État. C’est à Pékin que se tiennent les examens impériaux, et des milliers de lettrés convergent tous les trois ans vers la capitale pour y tenter leur chance. Les académies (dont la plus célèbre, celle de la «Forêt des pinceaux», Hanlin), les bibliothèques, les librairies, les collections publiques et privées en font la capitale intellectuelle de la Chine. Le lettré qui n’est jamais allé à Pékin est soit un médiocre ou un raté, soit un non-conformiste qui refuse consciemment la voie normale du succès social.Les paysans et la citéPékin existe donc seulement comme centre et comme support de toute la machine impériale; la ville n’est pas du tout, comme le sont les villes d’Occident à la même époque, un centre autonome de développement, un foyer d’action où s’enracinent de nouvelles forces économiques et sociales. Il n’y a pas de bourgeoisie urbaine; cette notion même est vide de sens. Pékin n’est qu’un rouage, essentiel il est vrai, de la gigantesque machine politique qui «maintient l’ordre» en Chine et surtout tient en respect les paysans. L’objectif normal et l’épisode final d’une révolte populaire, c’est l’entrée des paysans soit dans un centre administratif régional quand la révolte est localisée, soit dans Pékin quand on a affaire à une véritable guerre paysanne. Le succès d’un mouvement populaire se mesure à son aptitude à s’emparer de Pékin. À quatre reprises, à l’époque moderne, les paysans sont entrés dans Pékin.En 1644, la révolte paysanne du Nord-Est dirigée par Li Zicheng prit une telle ampleur que les révoltés s’emparèrent de la capitale et liquidèrent le pouvoir déclinant des Ming, dont le dernier empereur se suicida; mais Li devait être bientôt chassé de Pékin par les Mandchous.Les Taiping lancèrent, en 1854 et 1855, deux expéditions infructueuses contre la capitale de la Chine. Ainsi se confirmaient le caractère régional, sudiste, de leur mouvement et son incapacité à soulever les paysans de Chine du Nord.En 1899-1900, d’autres paysans, les «Boxeurs», occupèrent Pékin; ils s’attaquaient cette fois non pas aux forces dynastiques et féodales, mais aux étrangers. Le quartier des légations, implanté depuis l’occupation de 1860 au voisinage des palais impériaux, fut assiégé et échappa de peu à l’anéantissement.La révolution républicaine de 1911 laissa Pékin intacte, symbolisant ainsi le fait que l’Ancien Régime n’avait finalement pas été réellement renversé. Sun Yat-sen, de Nankin, accepta de s’effacer devant Yuan Shikai, maître de Pékin.En 1924, en revanche, le «général chrétien» Feng Yuxiang occupa brusquement la ville avec ses troupes paysannes; il espérait constituer en Chine du Nord une force autonome de gauche, l’Armée nationale du peuple (Guominjun). Cette tentative fut sans lendemain; les «seigneurs de la guerre» contrôlaient en fait la Chine du Nord.C’est seulement en 1949 que, pour la quatrième fois, les paysans chinois entrent dans Pékin, au terme d’une longue lutte de douze années contre les Japonais d’abord, puis contre le Guomindang. Le pouvoir politique changeait fondamentalement et durablement de mains. Le 1er octobre 1949, devant des centaines de milliers de personnes réunies sur la place Tian’an men, Mao Zedong proclamait l’avènement de la république populaire de Chine.Une ville très traditionnellePékin, en 1949, n’avait donc été que très peu influencée par l’Occident, à l’inverse d’une ville comme Shanghai qui symbolisait dans le cours même de son développement toute la période marquée par la pénétration étrangère en Chine (urbanisme, industrie, port, etc.).Les vieilles murailles carrées continuaient à enserrer la ville; les palais impériaux désertés voisinaient avec une multitude de petites ruelles, les hutong , avec leurs échoppes, leurs maisonnettes, leurs petits restaurants. Même l’ancien «Quartier des légations» restait d’aspect très traditionnel, puisque les premiers ambassadeurs occidentaux avaient été logés dans des résidences aristocratiques.À Pékin, les seules marques visibles du processus de modernisation déclenché en Chine depuis la fin du XIXe siècle étaient d’une part les chemins de fer et d’autre part les universités. Même si la ville n’était pas un centre économique, quatre voies ferrées importantes y convergeaient; on retrouvait une nouvelle fois le primat du politique dans la géographie régionale chinoise. Ces voies avaient toutes, sauf une, été construites par des étrangers: Pékin-Hankou, Pékin-Suiyuan, Pékin-Moukden (Shenyang), Pékin-Tianjin-Nankin. Par ailleurs, la capitale était devenue au début du XXe siècle un important centre universitaire. Une université moderne y avait été fondée en 1898, à laquelle s’étaient ajoutées une université technique (Qinghua) et l’université américaine Yenching (Yanjing). C’était parmi la jeunesse étudiante et les professeurs radicaux de Pékin qu’avait pris naissance en 1919 le célèbre «Mouvement du 4 mai», point de départ de tout le mouvement politique moderne en Chine, notamment du communisme.Depuis 1949, Pékin est de nouveau la capitale de la Chine: Tchiang Kai-chek, après sa victoire de 1927 sur les communistes, avait transporté sa capitale à Nankin, pour marquer sa volonté de rompre avec les «seigneurs de la guerre» installés à Pékin depuis la mort de Yan Shikai. Ce retour du gouvernement central ne signifiait pas un retour au passé, mais un retour à la tradition nationale.Fonctions nouvelles et révolution culturelle (1949-1969)Capitale d’un pays socialiste, Pékin n’est plus seulement le centre de l’appareil d’État. Les autorités ont volontairement cherché à en modifier la composition sociale et l’équilibre économique, en y créant des industries et en développant considérablement les activités scientifiques, universitaires et techniques. Un nombre important d’usines ont été implantées dans les faubourgs, ce qui a amené la formation de nouveaux quartiers de résidences ouvrières. De nombreuses universités, instituts de recherche et centres de technologie ont été également créés dans la capitale.À ces fonctions nationales se sont ajoutées de nouvelles fonctions internationales. Pékin est depuis 1949 la capitale d’un État qui a une politique étrangère très active et dont le rayonnement est considérable hors de ses frontières. Jusqu’en 1960, ces relations nouvelles s’effectuaient surtout avec les pays du camp socialiste, la vie politique et sociale de Pékin en portait l’empreinte: visite de troupes artistiques, résidences de techniciens soviétiques, ambassades, etc. Après 1960, c’est en direction de l’Afrique, de l’Asie et de l’Amérique latine que s’exerça l’influence chinoise, et Pékin est le carrefour de toutes ces relations nouvelles: visites de délégations gouvernementales ou de représentations de mouvements populaires dissidents, siège permanent d’organismes politiques afro-asiatiques et de groupes d’exilés, comme le gouvernement royal khmer de Norodom Sihanouk, édition de propagande, industrie du film politique, etc.Avec la concentration à Pékin de toute la puissance d’État de la Chine communiste, la ville tendait dans les années soixante à devenir le centre d’un nouveau système de privilèges et de pouvoir: hauts fonctionnaires, membres dirigeants du parti et tous ceux qui gravitaient autour d’eux, y compris leurs enfants, très nombreux à l’université de Pékin. Ce nouvel «establishment» était dirigé par le maire de Pékin, Peng Zhen, ami très proche du président de la République, Liu Shaoqi. En 1965-1966, les partisans de Mao menèrent une campagne contre le conservatisme à l’université de Pékin. Très rapidement, la révolution culturelle allait secouer l’ensemble du pays et mettre en question les institutions. Dans l’été 1966, des centaines de milliers d’activistes de la révolution culturelle, les gardes rouges, se rassemblèrent à Pékin pour y mener la lutte au cœur des institutions du pouvoir central. Avec l’entrée des gardes rouges dans Pékin, la ville, certes dans un contexte très nouveau, était encore une fois l’enjeu de la lutte entre un «état-major» devenu impopulaire et les forces sociales «rebelles»: «Bombardez les états-majors!» et «Osez vous rebeller!» étaient en effet les deux slogans clés de la révolution culturelle.Avec le reflux de cette vague insolite d’agitation à l’intérieur de la révolution communiste, Pékin retrouva en 1968-1969 un aspect plus calme et plus habituel.2. Une métropole en pleine transformationUn site de plaine au pied des montagnesPékin est située dans une petite plaine alluviale dont l’altitude moyenne ne dépasse pas 50 m, à l’extrémité septentrionale de la Grande Plaine de Chine du Nord, par 390 54 de latitude nord (soit légèrement plus au sud que celle de Naples) et par 1160 28 de longitude est. Cette plaine est limitée au nord par les montagnes Yanshan dont les crêtes sont soulignées par la Grande Muraille, au nord-ouest par les derniers contreforts du plateau mongol et à l’ouest par les collines de l’Ouest qui font partie des montagnes du Shanxi; ces hauteurs s’élèvent peu à peu de 400 à 1 500 m. À l’est, la plaine fait face au golfe de Bohai, distant d’environ 180 kilomètres. Elle est elle-même un ancien golfe marin qui fut comblé par les alluvions des rivières descendant des montagnes, surtout par celles du Yongdinghe, qui, après avoir changé plusieurs fois de cours et provoqué de graves inondations, donna à la plaine sa physionomie actuelle.Le climat de Pékin est caractérisé par des hivers froids et secs dus au voisinage de l’anticyclone sibérien, tandis que les étés, sous l’influence de la mousson du sud-est, sont chauds et humides. Les contrastes saisonniers sont très marqués (amplitude thermique supérieure à 30 0C). Mais l’originalité du climat pékinois tient à l’abondance relative des pluies, exceptionnelle pour la Grande Plaine de Chine du Nord, et qui est une conséquence de sa situation au pied des montagnes qui font barrière en été aux courants humides du sud-est (moyenne annuelle des précipitations: 636,8 mm). Les températures sont également plus clémentes que celles de l’ensemble de la Grande Plaine (moyenne: 11,9 0C). La température moyenne de juillet, mois le plus chaud, est de 26,1 0C (le thermomètre est monté jusqu’à 42,6 0C en 1942); celle du mois le plus froid, janvier, est de 漣 4,7 0C (on a noté 漣 22,8 0C en 1951). On compte en moyenne 200 jours sans gel par an. En hiver, le ciel est presque toujours clair et lumineux et les chutes de neige sont rares. La violence des vents du nord-ouest accentue l’impression de froid glacial; il arrive qu’ils apportent des poussières qui donnent à l’atmosphère une couleur jaunâtre et qui pénètrent partout. Pour s’en protéger, on a planté dès la Libération (1949) des rideaux d’arbres à la périphérie de Pékin, tandis que les larges avenues de la ville sont pour la plupart bordées de plusieurs rangées de saules et de peupliers. En mars, le printemps éclate brusquement, les températures s’élèvent rapidement (mars: 5 0C, avril: 14 0C), ce qui entraîne une importante évaporation et accentue la sécheresse. Le printemps est court, car dès la fin mai arrive l’été avec ses vents du sud-est, chauds et humides. Il dure environ trois mois et reçoit les deux tiers des précipitations annuelles, concentrées surtout en juillet et août. Mais les pluies sont très variables d’une année à l’autre: en 1959, la moyenne annuelle était de 1 400 mm alors qu’en 1891 elle n’était que de 168 mm. D’autre part, ces précipitations tombent souvent sous forme d’averses très violentes qui peuvent nuire aux récoltes. En septembre, dès que les vents du nord-ouest soufflent à nouveau, les pluies cessent et commence l’automne, qui est la plus belle saison: le temps est clair, les températures sont douces, mais, comme le printemps, cette saison est très courte et dès novembre paraissent les premières gelées.Une ville de contactPékin s’est établie au contact de régions différentes sur le plan tant physique qu’humain, qui mettent en présence deux types de civilisation: la civilisation agricole traditionnelle chinoise de la Grande Plaine du Nord et la civilisation nomade des steppes mongoles et mandchoues.Les montagnes Yanshan ont certes été un obstacle sérieux à ces contacts, mais elles ont pu cependant être franchies grâce aux trouées naturelles de Nankou et Shanhaiguan, qui permettent le passage de routes utilisées par les caravanes d’Asie centrale et convergeant toutes vers Pékin.Ces cols sont maintenant empruntés par de grandes voies de communication dont le carrefour est Pékin et qui relient entre elles la région du Nord-Est, première région industrielle de Chine, avec la riche plaine agricole (blé, coton) de Chine du Nord et les pâturages du Nord-Ouest, région qui laisse prévoir un avenir industriel remarquable qu’atteste le combinat sidérurgique de Baotou.En outre, la région de Pékin renferme des gisements de houille (Mentoujou), de fer et de cuivre; elle bénéficie aussi d’importantes ressources en matériaux de construction.Pékin, qui est une des rares villes chinoises dont la position n’est pas associée à un grand fleuve, a dû, pour s’alimenter en eau, tirer le meilleur parti des sources et cours d’eau de la région, ainsi que de la nappe phréatique exploitée par des puits artésiens. Cependant, l’approvisionnement était insuffisant, et les dynasties successives ont entrepris la construction de canaux de dérivation des eaux du Yongdinghe et des sources des collines de l’Ouest vers la cité impériale. Ces travaux étaient destinés à fournir l’eau nécessaire, mais devaient aussi permettre la régularisation des crues de la rivière et la navigation.Depuis 1949, de très grands travaux ont été entrepris avec comme objectifs non seulement l’approvisionnement en eau d’une ville en constante expansion, la maîtrise des crues, le développement de l’irrigation, mais aussi la fourniture de la capitale en électricité. L’un des ouvrages réalisés est le grand barrage de Guanting (1954), situé au-delà des collines de l’Ouest et formant un réservoir de plus de 2 milliards de mètres cubes, avec une centrale d’une puissance de 200 000 kWh. Au nord-est de la ville, le barrage réservoir de Huairou (1958), celui de Shisan ling (1958), situé à proximité des tombeaux des Ming, et celui de Miyun (1960) sont reliés par un canal qui rejoint le canal de Pékin à Tianjin.Les augmentations importantes de la population se sont d’abord produites entre 1910 et 1949, période pendant laquelle elle passait de 725 000 à 2 360 000 habitants, puis surtout depuis 1949. Alors qu’à la Libération Pékin n’était que la quatrième ville chinoise, elle se place maintenant au deuxième rang, après Shanghai. Ce mouvement démographique est dû à l’accroissement naturel, à l’afflux d’un grand nombre de ruraux venus travailler dans l’industrie, mais aussi à l’extension du territoire municipal, qui occupe depuis 1958 une superficie de 16 800 km2, regroupant 17 districts. C’est pourquoi 25 p. 100 de la population totale était en 1953 considérée comme rurale; les deux tiers des habitants vivaient à l’extérieur des murailles.3. L’agglomérationL’agglomération peut être divisée sommairement en trois zones: la «ville murée» traditionnelle, les faubourgs et la grande banlieue.La «ville murée» comprend la ville intérieure (Nei cheng) – souvent appelée ville tartare parce que les Mandchous s’y sont établis de préférence –, où résidaient les classes privilégiées, installées dans d’élégants palais au milieu de cours intérieures et de jardins. De forme carrée (côtés de 6 km environ), elle occupe approximativement le site de la ville mongole, Khanbaliq. Elle était entourée de remparts datant du XVe siècle, percés d’une dizaine de portes monumentales et surmontés de hautes tours à chaque angle.Au centre se trouve la «ville pourpre interdite» (Zijin cheng), réservée à l’empereur et à son entourage immédiat; elle est formée de la cité impériale proprement dite (Huang cheng), ancien siège de la cour, entourée d’un mur dont seule subsiste la partie sud. Son plan symbolise dans l’espace l’éminente position de l’empereur, fils du Ciel, représentant sur la Terre de l’autorité suprême. Elle renferme le palais impérial (Gugong, «vieux palais»), avec ses pavillons transformés en musée et ses parcs devenus publics depuis la Libération: le parc de la Montagne de charbon au nord et au sud, le parc Sun Yat-sen et le parc de la Culture du peuple, qui sont séparés par la place de la porte de la Paix céleste (Tian’an men). Cette immense place est une des grandes œuvres d’embellissement de la ville, entreprises au moment du «Grand Bond en avant»; centre géographique de Pékin, mais aussi symbole du nouveau régime, elle est devenue le lieu des grands rassemblements comme celui du 1er octobre. Depuis la tribune, dont l’effigie figure dans les armoiries de la république populaire de Chine, le président Mao Zedong et les hauts dignitaires du régime avaient coutume, jusqu’en 1970, de s’adresser à une foule de plus d’un million de personnes. Si la porte proprement dite fait partie du décor traditionnel de l’ancienne ville impériale, la place, elle, est flanquée de vastes édifices modernes – le palais de l’Assemblée du peuple et les musées de l’Histoire et de la Révolution chinoise – qui veulent être la marque de la grandeur du nouveau régime.Ces constructions neuves n’ont pas détruit l’harmonie et l’intégrité de la vieille ville qui demeure au milieu de ses parcs une sorte de cité-musée, témoin de l’architecture traditionnelle de la Chine. Toutefois, les remparts et la plupart des grandes portes ont été rasés, pour rompre définitivement avec un symbole hérité du passé, mais aussi pour faciliter le développement des communications.En dehors de la cité impériale, de larges avenues recoupent la ville intérieure selon un plan en damier, laissant entre elles des quartiers de forme généralement rectangulaire, desservis intérieurement par de petites ruelles tortueuses, les hutong . Là, de hauts édifices modernes – comme la gare de Pékin, les grands hôtels, le palais des Cultures des minorités – côtoient les basses maisons grises des petites ruelles.Au sud de la ville intérieure se trouve la ville extérieure (Wai cheng), souvent appelée ville chinoise par opposition à la ville tartare. Sa partie nord renferme des quartiers commerçants très animés, aux rues étroites bordées de petites boutiques et d’ateliers d’artisans. Cette zone est en voie de rénovation. Certains quartiers, comme celui du pont du Ciel (Tianqiao) où se trouvaient un grand nombre de bateleurs et de théâtres ambulants, ont disparu pour faire place à de nouvelles zones d’habitation. Les quartiers sud, par contre, renferment encore des espaces non habités comme les parcs des temples du Ciel et de l’Agriculture.Depuis 1949, l’extension de la ville se poursuit bien au-delà des anciennes fortifications. Les espaces vides des faubourgs se couvrent d’immeubles résidentiels à plusieurs étages, de bâtiments administratifs et d’amples réalisations modernes comme le palais des Expositions à l’ouest, le grand stade des travailleurs (80 000 places) et le Centre des expositions agricoles à l’est.Au-delà, la banlieue est également en complète transformation: elle est constituée surtout d’anciens villages agrandis de constructions nouvelles (logements, usines, centres universitaires) et disséminés dans une campagne demeurée en grande partie agricole.Les espaces verts de la banlieue nord-ouest ont attiré bien avant la Libération les instituts d’enseignement, telles l’université Qinghua et l’ancienne université Yanjing devenue en 1953 l’université de Pékin. Depuis 1949, la plupart des établissements d’enseignement supérieur y ont été construits, particulièrement le long de la grande artère qui mène au palais d’Été. Cette zone est ainsi devenue le plus grand centre universitaire de la Chine. Elle est également, avec la grande banlieue ouest et sud, une région agricole en plein essor; grâce à la collectivisation des terres et aux travaux d’irrigation et de drainage entrepris par les trois cents communes populaires, la moitié des terres cultivées est maintenant irriguée, contre moins d’un dixième en 1957, et les deux tiers des champs cultivés donnent deux récoltes par an. D’autre part, la proximité de l’important marché de consommation qu’est Pékin a stimulé la diversification et l’intensification de l’agriculture: aux céréales (blé, maïs, sorgho et riz) viennent s’ajouter des cultures maraîchères et fruitières. En outre, l’élevage des vaches laitières, des porcs et des canards a pris une grande extension.La zone industrielle s’est implantée dans les banlieues est et sud-est. En effet, Pékin, qui n’était qu’un centre d’artisanat, est devenue une métropole industrielle, employant plus d’un million de personnes dans le secteur secondaire: aux industries textiles (laine, coton et lin) est venu s’ajouter le complexe sidérurgique de Shijingshan (650 000 t d’acier par an); situé à une vingtaine de kilomètres à l’ouest de la ville, il utilise le charbon de Mentougou et le minerai de fer de Longyan et a favorisé le développement de la métallurgie de transformation et de la mécanique. Pékin possède également une centrale thermique, des industries chimiques et de matières plastiques. Cet essor industriel a entraîné la construction d’un grand nombre de logements ouvriers qui côtoient les nouvelles usines.Ainsi agrandie, l’agglomération urbaine avait besoin de se doter de grands axes de circulation, qui sont empruntés par un double réseau d’autobus et de trolleybus. Un métro contourne la ville d’est en ouest, passant au sud de la ville extérieure.D’autre part, la fonction commerciale de Pékin se développe grâce aux réseaux de voies ferrées et de lignes aériennes qui la relient à la plupart des grandes villes chinoises, mais aussi à Moscou, Ul n B tor, P’y face="EU Caron" サngyang et Hanoi.• 1564; de Pékin, n. d'une ville de Chine♦ Anciennt Étoffe de soie ornée de fleurs ou présentant des bandes alternativement mates et brillantes. ⇒ pékiné. « Un habit de pékin bleu de France » (Nerval). pékin 2. pékin [ pekɛ̃ ] n. m. VAR. péquin1 ♦ Arg. milit. (Péj.) Le civil. Se mettre, s'habiller en pékin. Deux militaires et un pékin.2 ♦ (1819) Vx Homme quelconque. ⇒ mec, type.⊗ CONTR. Militaire.Pékin ou Beijingcap. de la rép. pop. de Chine, dans le N.-E. du pays; 6 920 000 hab. (Pékinois); aggl. urb. 9 600 000 hab. La ville, qui forme, à l'intérieur de la prov. du Hebei, une municipalité autonome (17 800 km²) sous le contrôle direct du pouvoir central, est un grand foyer culturel, administratif, commercial et industriel.— Le vieux Pékin se compose de deux villes juxtaposées, entourées de murailles: la "Ville extérieure" et la "Ville intérieure" (cette dernière renferme la Cité interdite).— Université du Peuple (1912); palais impérial, qui abrite auj. un musée historique et des services administratifs; porte Tian Anmen ("de la Paix céleste"), percée dans les remparts de la cité impériale; temple du Ciel (un des rares monuments chinois de forme circulaire); pagode Blanche du parc Beihai. Bibliothèque nationale.— Cap. intermittente, la ville se développa partic. sous la domination mongole, puis sous les Ming. Les Occidentaux y eurent leur quartier en 1860. Les communistes y entrèrent en janv. 1949 et en firent la capitale de la rép. populaire (oct. 1949).I.⇒PÉKIN1, subst. masc.Étoffe de soie peinte; étoffe présentant des raies alternativement mates et brillantes ou de couleurs, de matières différentes. Une très grande bergère en bois jadis doré et revêtue de pékin à fleurs (HUGO, Misér., t.1, 1862, p.31). Au milieu du rayon, une exposition des soieries d'été éclairait le hall d'un éclat d'aurore (...). C'étaient des foulards (...), des surahs (...), des pékins satinés à la peau souple de vierge chinoise (ZOLA, Bonh. dames, 1883, p.629). La baronne (...) avait une robe de pékin corail à manches monstrueuses (GYP, Leurs âmes, 1895, pp.78-79).Prononc. et Orth.:[
]. Att.ds Ac. dep. 1835. Étymol. et Hist. 1564 pekin (Inv. de la Sainte-Chapelle de Bourges, 103 ds GAY), attest. isolée; 1756 pecquin (Mém. de la Société de l'hist. de Paris et de l'Ile-de-France, t.34, 1907, p.187). Du nom de la ville de Pékin, en Chine.
II.⇒PÉKIN2, subst. masc.A. —Arg. milit., péj. Civil, bourgeois. Pousse ton cheval ferme, toujours t'éloignant de l'armée. À la première occasion achète des habits de pékin (...). Dès que tu auras sur le dos des habits de bourgeois, déchire ta feuille de route en mille morceaux (STENDHAL, Chartreuse, 1839, p.60). N'avons-nous pas entendu traiter Louis-Philippe de tyran? Ce n'était que le roi des pékins (PROUDHON, Guerre et paix, 1861, p.62). À ce point de la conversation (...) je risquai la question bébête de la durée [de la guerre], qui sent son pékin d'une lieue (L. DAUDET, Temps Judas, 1920, p.186):• ♦ ... [les] militaires de Napoléon (...) divisaient le monde en soldats, en pékins [it. ds le texte], en ennemis, et (...) traitaient les pékins en ennemis et les ennemis en pékins....BALZAC, Corresp., 1837, p.292.♦En pékin. En habit civil; en partic., sans travesti dans un bal costumé. Nous allons en pékins au bal chez Michelet, où les femmes sont déguisées en nations opprimées, Pologne, Hongrie, Venise, etc. (GONCOURT, Journal, 1864, p.25).— Empl. adj. [Le vêtement] est plus militaire, il a l'air moins pékin (POMMIER, Crâneries, 1842, p.134). Popelin aurait insinué dans la cervelle de la Princesse l'idée qu'il y avait un beau rôle à prendre pour un Napoléon dans cette fin de siècle, le rôle d'un Bonaparte civil, d'un Bonaparte pékin, d'un Bonaparte savant, lettré, intellectuel (GONCOURT, op.cit., 1890, p.1227).B. —P. ext, arg. Celui qui n'appartient pas à un milieu particulier. Accommoder le pékin (pour les voleurs) (d'apr. ESN. 1966). Quand le second maître de manoeuvre Lestrope, chargé d'enseigner le matelotage aux fistots [élèves de 1re année] de l'École navale, entendit ceux-ci parler de «ramer avec des rames», de «tirer sur une corde» (...), il se mit fort en colère (...). Ces mots sont ceux, en effet, du «dehors», des non-initiés, et qui trahissent aussitôt le pékin. Il n'y a pas de corde, à bord, hormis la corde de la cloche. Il n'y a que des cordages, ou mieux des filins (Vie Lang. 1971, p.384).Prononc. et Orth.:[]. Att. ds Ac. 1935. BALZAC, Pierrette, 1840, p.164 et Paysans, 1844, p.115: péquin; cette forme est var. de pékin ds LITTRÉ et ROB. CATACH-GOLF. Orth. Lexicogr. 1971, p.286: péquin. Étymol. et Hist. 1799 péquin (J. HARDY, Correspondance, 11 juill. ds Mél. Bruneau, p.147). Prob. empr. au prov. pequin «chétif, malingre», correspondant à l'esp. pequeno «petit», issu d'un rad. pekk- exprimant la petitesse. Le mot a sans doute été introduit dans l'arg. des armées révolutionnaires par des soldats originaires du Midi. V. FEW t.8, p.158; G. GOUGENHEIM ds Mél. Bruneau 1954, pp.147-151; BRUNOT t.9, pp.999-1000.
STAT. —Pékin1 et 2. Fréq. abs. littér.: 49.BBG. —QUEM. DDL t.5.1. pékin [pekɛ̃] n. m.ÉTYM. 1564; du nom de Pékin (Peking), ville de Chine où cette étoffe avait été fabriquée à l'origine.❖♦ Anciennt. Étoffe de soie ornée de fleurs ou présentant des bandes alternativement mates et brillantes. ⇒ Pékiné (→ Fabriquer, cit. 6).1 Un habit de pékin bleu de France, à très larges basques, à revers étroits, liserés d'or, laissait voir par-devant un gilet de piqué anglais.Nerval, le Marquis de Fayolle, IV.2 Les toilettes des femmes sur un yacht, c'est la même chose; ce qui est gracieux, ce sont ces toilettes légères, blanches et unies, en toile, en linon, en pékin, en coutil, qui au soleil et sur le bleu de la mer font un blanc aussi éclatant qu'une voile blanche.Proust, À l'ombre des jeunes filles en fleurs, Folio, p. 567.➪ tableau Noms et types de tissus.❖DÉR. Pékiné.————————ÉTYM. 1797, pékin; péquin, 1776; formation expressive, du radical pekk- « petit » (cf. provençal pequin « malingre », ital. piccolo, esp. pequeño), ou du rad. du lat. pecus, pecoris « bétail ».❖♦ Argot milit. (vieilli). Péj. Civil (par oppos. à militaire). || Se mettre, s'habiller en pékin (vx, en bourgeois).1 (…) tire-toi du milieu de cette armée en déroute (…) À la première occasion achète des habits de pékin (…) Dès que tu auras sur le dos des habits de bourgeois, déchire ta feuille de route (…)Stendhal, la Chartreuse de Parme, I, IV.2 Il y eut, dans les armées impériales, deux nuances chez les militaires. Une grande partie eut pour le bourgeois, pour le péquin, un mépris égal à celui des nobles pour les vilains, du conquérant pour le conquis.Balzac, la Rabouilleuse, Pl., t. III, p. 947.3 (…) la terreur qu'inspirent peut-être certains grands chefs d'Algérie au jeune pékin de l'Hôtel Matignon.F. Mauriac, le Nouveau Bloc-notes, 1958-1960, p. 25.REM. L'orthographe péquin est archaïque.❖CONTR. Militaire.
Encyclopédie Universelle. 2012.